Siegfried et le Limousin

écrit par Jean Giraudoux, relié par Rose Adler

Manuscrit autographe signé et daté du 21 août 1922. Trois lettres, dont deux signées de Rose Adler, adressées à Pierre Berès et datées de 1956.

Reliure de Rose Adler : box-calf blanc cassé. Grandes plaques à effet cinétique sur les plats, titre de plat poussé à l'oeser blanc et rouge, lettres « M » et « S » mosaïquées de box-calf blanc et poussées à l'oeser blanc. Dos sans nerfs, mosaïque de box-calf noir et rouge, nom de l'auteur à la japonaise à l'oeser blanc et noir. Doublures de daim rouge, mosaïque de box-calf blanc et noir. Gardes de daim rouge. Étui. Chemise de box-calf blanc cassé, mosaïque de box-calf noir. 1956, signée.

Doreur : André Jeanne

Provenance : Louis Brun – Pierre Berès - Aristophil.

Localisation : Bibliothèque francophone multimédia de Limoges, fonds patrimonial, MS 407

 

 

Jean Giraudoux naît à Bellac en 1882. Après des études à l’école normale supérieure, il entreprend une carrière de diplomate et une carrière d’écrivain en commençant par la presse. Blessé en 1914, puis en 1915, il effectue plusieurs missions puis est démobilisé en 1919 et affecté au Service des Œuvres françaises à l’étranger.  Il publie Suzanne et le Pacifique en 1921 et dès 1922 Siegfried et le Limousin. Ce roman a été écrit en quelques mois où il exprime les thèmes récurrents dans sa réflexion que sont la patrie et la situation franco-allemande, et celle des origines limousines dont il se plaît à entretenir le mythe. 

Ce roman traite d’un sujet d’actualité sous la forme d’un journal : un Français, le Limousin Forestier, grièvement blessé dans les lignes allemandes durant la guerre de 14, est ramassé, amnésique, sans identité, par le major Schiff de Stralsund qui en fera un grand intellectuel allemand. Un ami français le reconnaît quelques années plus tard à Munich...

Jacques Body, dans sa préface à l’édition du livre de poche en 1991, en conclue : il s’agissait de « rendre son passé à ce faux allemand sans mémoire qu’est Siegfried, et parallèlement, bénéfice non négligeable pour le patriote français, récupérer Forestier, rendre à son Limousin natal un génie que la guerre a brisé dans son premier élan ».

Ce manuscrit représente la version complète et richement annotée des dernières corrections avant sa publication chez Grasset la même année. Bernard Grasset, jeune éditeur lui-même a publié peu de temps auparavant des auteurs tels que Marcel Proust, François Mauriac et Raymond Radiguet. On connaît deux versions manuscrites antérieures, conservées à la Bibliothèque nationale de France :

  • un premier état du texte formant un volume relié en maroquin bleu par Jeanne Lefranc
  • un second état de 164 pages relié en plein parchemin, signé daté à la fin « Barfleur, 8 août 1922 » (issu des collections de Louis Brun, ami et tout premier collaborateur de Bernard Grasset)

 

Le manuscrit conservé à la BFM de Limoges est signé de Jean Giraudoux (la signature est d’une encre différente), ponctué de quelques dessins. A l’origine constitué de feuillets séparés, numérotés et de quelques épreuves corrigées, il a été relié tardivement. Entré dans les collections du libraire et bibliophile Pierre Berès, sa reliure date de 1956. L’acquisition de ce manuscrit a permis d’obtenir une partie de la correspondance entre Rose Adler et Pierre Berès, précisant les intentions artistiques du relieur. La réalisation a probablement été rapide : entre février et octobre 1956, puisqu’elle est ensuite exposée à la Maison de la Pensée. Chaque feuillet, écrit uniquement au recto, a été monté sur onglet, ce que laisse deviner la facture.

 

La reliure présentée rejoint le catalogue des créations « Art déco » réalisées par Rose Adler (1890-1959), relieur dont le travail a commencé durant la première guerre mondiale, et s’est poursuivi au contact d’écrivains et d’artistes jusque dans les années 1950. Fréquentant les milieux artistiques et culturels, sa correspondance (conservée à la bibliothèque Jacques Doucet) témoigne des nombreux échanges qu’elle a pu entretenir en France et à l’étranger. 

 

Née à Paris dans une famille bourgeoise du XVIIème arrondissement, fiancée à Léon Roger-Marx, qui meurt au Chemin des Dames, elle entre en 1917 à l’école du comité des Dames de l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD) où elle se forme à la reliure. Remarquée dès les années 20, elle consacrera sa vie à sa carrière artistique, de la reliure à la décoration. Membre de l'Union des artistes modernes (UAM), elle est présente dans de nombreuses expositions, y compris aux expositions universelles à partir de 1925. Répondant à des commandes de mécènes (David David-Weill, Lucien Bonn ou Albert Malle), de bibliophiles et collectionneurs (Jacques Doucet, qui devint son protecteur, Mme Solvay, avec qui elle entretint une correspondance abondante), ou encore d’institutions (la bibliothèque nationale entre autres), Rose Adler n’a eu de cesse de renouveler ses méthodes et ses recherches plastiques.

 

De par sa vocation régionale, la BFM de Limoges conserve des fonds relatifs au Limousin et à ses auteurs, dont fait partie Jean Giraudoux. Outre l’intégralité de ses écrits, ceux de ses biographes et chercheurs giralduciens, la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges avait déjà acquis le manuscrit autographe de La Guerre de Troie n’aura pas lieu, relié par Jeanne Lefranc à la demande de l’auteur. En 2020, cette nouvelle acquisition complète le fonds Jean Giraudoux et la collection de reliures d’arts. Acquis en vente publique en juin 2020, ce manuscrit a bénéficié d’une aide financière du ministère de la Culture.

 

En savoir plus sur Jean Giraudoux :
  • La plupart des manuscrits et des archives littéraires de Jean Giraudoux sont conservés au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, qui possède également des fonds liés à cet auteur.
  • L’Académie Giraudoux, créée en 2012, regroupe deux associations : la Société Internationale des Etudes Giralduciennes (SIEG), fondée en 1990 à l’initiative de Jacques Body, et qui avait pour but de rassembler les universitaires et chercheurs, français et étrangers, soucieux de contribuer activement au développement et à la diffusion des travaux sur Jean Giraudoux, son œuvre et son temps et les Amis de Jean Giraudoux : association créée en 1971, qui regroupait toutes les personnes s’intéressant à Jean Giraudoux. Son rôle était de diffuser l’information sur les événements en rapport avec l’auteur, qu’ils se déroulent en France ou à l’étranger.
  • Les Cahiers Jean Giraudoux sont consultables à la BFM de Limoges (pôle Limousin Patrimoine) ainsi que l’ensemble de l’œuvre de Jean Giraudoux et les ouvrages critiques.

 

En savoir plus sur Rose Adler :
  • Les reliures de Rose Adler ont été étudiées récemment dans une thèse d’Ecole des Chartes.
  • Les archives de Rose Adler sont, quant à elles, entrées en 1945 puis 1959 à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet par don et legs.
  • ADLER, Rose, Journal, 1927-1959, édition établie par Hélène Leroy, avant-propos de François Chapon, Editions des Cendres, Paris, 2014
  • ADLER, Rose, Reliures, Paris, Editions d’art Charles Moreau, coll. « L’art International d’aujourd’hui », n°17, 1930

 

Succession des ventes de ce manuscrit :
  • Bergé (Pierre) & Associés, Pierre Berès, 80 ans de passion : 4e vente, le cabinet des livres [vente, Paris, Drouot Richelieu, salles 5 et 6, 20 juin 2006], Paris, J.-B. de Proyart, 2006, 348 p., n° 157.
  • Bergé (Pierre) & Associés, Pierre Berès, 80 ans de passion : 6e vente, fonds de la librairie Pierre Berès, des incunables à nos jours, 4ème partie [vente, Paris, Drouot Richelieu, salle 9, 17 et 18 décembre 2007], Paris, J.-B. de Proyart, 2007, 373 p., n° 468.
  • Durand-Gallet (Stéphanie), « Au fil des ventes », dans Art et métiers du livre, juin-juillet 2006, n° 254, p. 82-84, p. 83.
  • Vente Les collections Aristophil – les années 1920-1930, 19 juin 2020, lot 80.

 

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