Le Cornu copiæ

Ce livre, conservé dans la Réserve précieuse, a pour auteur Niccolo Perotti (né en 1429 et mort en 1480 à Sassoferrato dans les Marches en Italie). Il fait très probablement ses études à Mantoue et Ferrare jusqu’en 1445. Il entre alors au service d’un cardinal à Rome et c’est à partir de ce moment-là que commence sa carrière politique et religieuse. En 1458, il est nommé archevêque de Siponto et devient gouverneur de diverses villes des États de l’Église comme Viterbo, Spoleta ou Perugia. Accusé de malversations et criblé de dettes, en 1477, il se retire dans sa ville natale où il possède une villa. Il passe les 3 dernières années de sa vie à l’étude et à l’écriture du Cornu Copiæ.
Cet homme de lettres et humaniste a traduit des auteurs latins et grecs, même avant ses 25 ans. Il a rédigé une grammaire latine, sûrement destinée à son neveu. Les Rudimenta grammatices paraissent en 1473. Ce sera un grand succès d’édition jusqu’en 1541 (à cette date, on dénombre au moins 182 éditions). Il travaille sur 2 auteurs en particulier, Pline l’Ancien et Martial. A son décès, il laisse une copie manuscrite du Cornu Copiæ. Ce texte ne sera imprimé pour la 1ère fois qu’en 1489 à Venise grâce à son neveu mais il sera très rapidement imprimé partout en Italie, mais aussi à Paris et Lyon, Strasbourg et Bâle. Il est considéré comme une sorte de manuel scolaire. Alde Manuce, grand imprimeur vénitien imprime sur ses presses pour la 1ère fois en 1499 le Cornu Copiæ. La 2ème édition date de 1513 : c’est celle que possède la BFM.
Le Cornu Copiæ de Niccolo Perotti est une vaste compilation d’auteurs latins de toutes époques depuis l’antiquité jusqu’aux humanistes. C’est une somme de connaissances qui permet d'évaluer la culture ancienne d’un homme cultivé de l’époque. Ce livre a probablement été couramment utilisé pour l’apprentissage du latin. On sait que Marie Tudor, Erasme et François I, par exemple, ont appris le latin avec cet ouvrage.
Le cornu copiae
Le titre vient du latin cornucopia, littéralement « corne d'abondance ». C’est un terme employé autrefois pour désigner un dictionnaire, notamment en latin.
Il possède un index qui permet de retrouver rapidement la colonne où se trouve le mot que l’on cherche. Comme les mots sont mis dans l’ordre où on les trouve chez Martial, le livre est inutilisable sans index.
Un incunable
Ce livre date du début du XVIe siècle et il a encore beaucoup de caractéristiques d’un manuscrit. On le considère comme un post-incunable. Un incunable désigne un ouvrage imprimé entre l’invention de l’imprimerie en 1454 et 1501. Auparavant, tous les ouvrages étaient des manuscrits. Les incunables sont des livres imprimés qui marquent la transition entre le livre manuscrit et le livre imprimé tel qu’on le connaît maintenant avec une page de titre. Les ouvrages du début du XVIè siècle ont souvent encore les mêmes caractéristiques qu’un incunable. Incunable vient du latin incunabula, qui veut dire berceau ou langes. On parle bien là des tout-début du livre imprimé.
On trouve dans ce livre plusieurs caractéristiques qui le rapprochent du manuscrit :
Impression du texte
L’imprimeur de cette édition est Alde Manuce qui est né en 1449 dans les Marais Pontins en Italie. C’est un humaniste : son but est de faire connaître les auteurs grecs et latins le plus possible et dans des versions les mieux corrigées et préparées, voire commentées. Pour cela, il s’entoure d’érudits.
Il crée son imprimerie en 1494 à Venise, en travaillant avec Andrea Torresano, l’un des plus grands éditeurs vénitiens de l’époque dont il épousera la fille en 1505. Il reçoit l’aide aussi d’un tailleur de poinçons essentiels pour les caractères d’imprimerie, Francesco Griffo. Cet artisan va lui permettre de pouvoir éditer en grec en lui taillant les caractères appropriés avec des accents et des esprits utilisés en grec ancien.
Au moment de son mariage avec la fille de Torresano, il s’associe avec lui et avec Alberto Pio qui fut son élève (il commença sa carrière comme professeur particulier) et qui était le neveu de Pic de la Mirandole.
Parmi ses œuvres majeures, se trouvent la plus ancienne édition de l’auteur grec Hérodote en 1502, des éditions de La rhétorique et de La poétique d’Aristote, des comédies d’Aristophane et des textes de Pline le Jeune. Il va aussi créer des grammaires pour aider à apprendre le grec. Son chef d’œuvre est l’Hypnerotomachia Poliphili, Le songe de Poliphile, de Francisco Colonna, paru en 1499. Il est souvent considéré comme le plus bel incunable grâce à l’alliance entre la mise en page et les très nombreuses gravures.
Alde Manuce est donc connu pour l’édition d’ouvrages importants mais aussi pour les progrès qu’il a fait faire à l’imprimerie. Tout d’abord, en 1501, il créa la lettre italique, qui permet de gagner de la place sur la feuille. Ensuite, il imprime des livres plus petits que ceux faits à l’époque, qui reviennent moins chers et sont plus faciles à manipuler.
Malgré l’usure du temps, c’est un très bel ouvrage : il reste un bel exemple de ce que les imprimeurs et relieurs de l’époque savaient réaliser.
Les deux plats sont en cuir et la reliure est de « style monastique » : on a un ensemble de plaques et de fers qui décorent les plats. La technique utilisée est l’estampage à froid : l’estampage c’est quand on marque en relief la surface, à l’aide d’outils (fers, plaques, roulettes) tièdes en faisant pression.
Les petits trous sur la reliure sont les emplacements de lacets qui permettaient de fermer la reliure.
Quand on regarde l’intérieur de la reliure, on voit qu’elle est fragilisée mais on voit aussi un petit bout de manuscrit. Pas de gaspillage : on réutilisait fréquemment les manuscrits pour fabriquer ou consolider une reliure.
Les tranches sont décorées : on appelle ça des tranches antiquées. On utilise un petit burin ou alors un « fer azuré », fer avec un petit motif que l’on répète et que l’on incruste dans les feuillets à l’aide d’un marteau.
Pour aller plus loin vous pouvez consulter ce document : Le "Cornu copiae" de Niccolò Perotti : culture et méthode d'un humaniste qui aimait les mots