Nuevo cocinero mejicano

Ou comment construire l’identité d’une jeune nation, le Mexique, avec un livre de recettes...

La première édition du Cocinero Mejicano (le « Cuisinier mexicain ») date de 1831, soit 10 ans après l’indépendance du pays. Il s’agit d’un des tous premiers livres de recettes imprimé au Mexique et certainement le plus influent. L’ouvrage, reédité en 1858 sous le titre Nuevo Cocinero mejicano  (« le Nouveau cuisinier mexicain »)  a connu une douzaine d’éditions et a servi de modèle aux manuels de cuisine tout au long du XIXe siècle.

On peut même avouer qu’il participa à la construction de l’identité nationale mexicaine. Et dans cette édifiante histoire, les français n’y sont pas pour rien…

 

Les succès de l’édition française au Mexique

A partir de l’Indépendance du Mexique en 1821, la nouvelle élite cherche à installer de nouvelles références culturelles pour se démarquer de l’ancienne hégémonie espagnole. La France devient alors une des références culturelles majeures.

Ce nouveau goût français passe beaucoup par la publication de livres en tout genre en langue originelle ou traduits en espagnol importés de France. On compte ainsi pas moins de 25 éditeurs français à Paris en 1844, spécialisés dans l’édition d’ouvrages en espagnol. La participation des éditeurs français à la codification et la standardisation des recettes mexicaines est indéniable : ils traduisent, transcrivent, mettent en page les recettes locales envoyées du Mexique.

 

La rédaction d’une cuisine nationale dans l’imaginaire d’une nation en construction.

L'auteur, anonyme, du Cocinero mejicano adopte un  ton nationaliste, que ce soit dans les domaines linguistique ou culinaire. Il dénonce ainsi le conservatisme espagnol de la langue, insiste pour utiliser des mots d'origine mexicaine. Son éditeur historique, Mariano Galván, était un modéré politique qui a produit le premier almanach du Mexique, ainsi que d’innombrables éditions de calendriers, de guides de voyage et de manuels pour femmes. Il a été emprisonné pour avoir soutenu l'intervention française.

Ce livre de recettes est aussi complet que possible et couvre des recettes allant du plus banal au plus complexe, en mettant l’accent sur les matières premières et les méthodes de préparation mexicaines. L’auteur ne tarit pas d’éloges sur son style de « barbacoa ».  Il loue les plats épicés «véritablement nationaux» et ridiculise les palais européens délicats non habitués aux piments.

 

La codification d’une nouvelle sociabilité mexicaine

La reconfiguration politique qui suit l’Indépendance du Mexique laisse place à une recomposition de la société. La jeune élite politique qui a portée l’Indépendance tient à se démarquer de la majorité pauvre, indigène et peu éduquée. L’édition de 1858 du Nuevo cocinero mejicano précise bien qu’il mentionne « tous les articles importants relatifs à la cuisine mexicaine comme à la française ». Car le propos est clair dès la préface : les règles de savoir-vivre à table présentées dans le Nuevo cocinero mejicano sont à l’attention de « ceux qui veulent éviter de passer pour des fils de parents pauvres ou humbles ». Ainsi l’article sur le budin, « boudin », par exemple confronte le «vulgaire » qui ignore ce plat et ceux qui se les prétendus connaisseurs qui le confondent avec son quasi homophone, le pudding anglais.

Les éditions précédentes fustigeaient les lecteurs qui servaient des tamales (nourriture des pauvres). Si cette exhortation a disparu de l’édition de 1858, il demeure le livre de cuisine à destination d’une classe sociale éduquée et argentée, jusqu'à écrire en  page de titre et en forme de verre à vin  les noms illustres cuisiniers français réputés de l’époque, Carème et Beauvilliers, comme gage de cette ambition affichée.

 

Référence :

Référence : MAG 5803

Titre complet : Diccionario de cocina, ó el nuevo cocinero mexicano en forma de diccionario, que contiene todos los procedimientos empleados en la alta, mediana y pequeña cocina, la lista normal de los platillos que deben componer las distintas comidas, que con variedad de nombres de hacen en el día, el método de aderezar los platos y de disponer los diferentes servicios de una mesa, y lo mas selecto de las artes del pastelero, del bizcochero, del confitero, del destilador y del nevero, con todo lo relativo á la repostería.—Encontrándose en él todos los artículos importantes de las obras de esta clase que se han publicado en castellano, y otros nuevos, relativos tanto a la cocina mexicana, como a la francesa, tomados estos ultimos del cocinero real, de las obras de Beauvilliers, de los tratados de Careme, del diccionario de Mr. Burnet, de la nueva cocina económica, y de otros autores.

Traduction : Dictionnaire de cuisine, ou le nouveau cuisinier mexicain sous forme de dictionnaire, qui contient toutes les procédures utilisées dans la haute, moyenne et petite cuisine, la liste normale des plats qui doivent composer les différents repas dans une journée, la façon d'habiller les plats et de disposer les différents services d'une table, et le plus sélect des arts du pâtissier, du biscuitier, du pâtissier, du distillateur et du glacier, avec tout ce qui touche à la confiserie. Se trouvant dans celui-ci tous les articles importants des œuvres de cette classe qui ont été publiés en castillan, et d’autres nouveaux, relatifs tant à la cuisine mexicaine, qu’à la cuisine française, empruntés  pour cette dernière au Cuisinier royal, aux œuvres de Beauvilliers, aux traités de Careme, au dictionnaire de M. Burnet,  à la nouvelle cuisine économe et  à d'autres auteurs.

 

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